ALPHONSE DE LAMARTINE 
      1790 - 1869
Les étoiles
Lamartine commentait ainsi ce poème :
« La nuit est le livre mystérieux des contemplateurs, des amants et des poètes. Eux seuls savent y lire parce qu'eux seuls en ont la clef. Cette clef c'est l'infinie. Ces lueurs sont des âmes, des regards, des silences,pleins de voix connues ».
La méditation consiste à interpréter ces regards, ces silences pour entrer en communication avec ces
âmes.

Il est pour la pensée une heure.,. une heure sainte, Alors que, s'enfuyant de la céleste enceinte, 
De l'absence du jour pour consoler les cieux,
Le crépuscule aux monts prolonge ses adieux.
On voit à l'horizon sa lueur incertaine,
Comme les bords flottants d'une robe qui traîne,
Balayer lentement le firmament obscur,
Où les astres ternis revivent dans l'azur.
Alors ces globes d'or, ces îles de lumière,
Que cherche par instinct la rêveuse paupière,
Jaillissent par milliers de l'ombre qui s'enfuit,
Comme une poudre d'or sur les pas de la nuit ; 
Et le souffle du soir, qui vole sur sa trace,
Les sèmes en tourbillons dans le brillant espace.

L'oeil ébloui les cherche et les perd à la fois :
Les uns semblent planer sur la cime des bois, 
Tel qu'un céleste oiseau dont les rapides ailes
Font jaillir, en s'ouvrant, des gerbes d'étincelles ;
D'autres en flots brillants s'étendent dans les airs,
Comme un rocher blanchit par l'écume des mers ;
Ceux-là, comme un coursier volant dans la carrière,
Déroule à longs plis leur flottante crinière ;
Ceux-ci, sur l'horizon se penchant à demi,
Semblent des yeux ouverts sur le monde endormi,
Tandis qu'au bord du ciel de légères étoiles
Voguent dans cet azur comme de blanches voiles
Qui, revenant au port d'un rivage lointain,
Brillent sur l'Océan aux rayons du matin. (...)
Cependant la nuit marche, et sur l'abîme immense
Tous ces mondes flottants gravitent en silence,
Et nous-mêmes, avec eux emportés dans leur coeur
Vers un port inconnu nous avançons toujours,
Souvent pendant la nuit, au souffle du zéphyr,
On sent la terre aussi flotter comme un navire ; 
D'une écume brillante on voit les monts couverts
Fendre d'un cours égal le flot grondant des airs ;
Sur ces vagues d'azur où le globe se joue,
On entend l'aquilon se briser sous la proue,
Et du vent dans les mâts les tristes sifflements,
Et de ses flancs battus les sourds gémissements ;
Et l'homme, sur l'abîme où sa demeure flotte,
Vogue avec volupté sur la foi du pilote !
Soleil, mondes errants qui voguez avec nous,
Dites, s'il vous l'a dit, où donc allons-nous tous?
Quel est le port céleste où son souffle nous guide?
Quel terme assigna-t-il à notre vol rapide?
Allons-nous sur des bords de silence et de deuil,
Échouant dans la nuit sur quelque vaste écueil, 
Semer l'immensité des débris du naufrage?
Ou, conduits par sa main sur un brillant rivage,
Et sur l'ancre éternelle à jamais affermie,
Dans un golfe du ciel abordé endormi?

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